Jaunegap89
Jaunegap89 Ou est-ce que je me trompe et que je ne trouve pas les originaux ?
La plupart du temps, quand c’est bien fait, une version longue permet d’ajouter un peu d’épaisseur aux personnages secondaires d’un film ce qui permet de mieux comprendre leurs actions et ainsi de mieux comprendre l’intrigue et les thèmes du film. Par exemple : Kingdom of Heaven ou Batman V. Superman.
Une version longue peut aussi apporter une séquence supplémentaire. Dans certains cas cette séquence n’apporte strictement rien de plus au film et la version longue n’a aucun intérêt à part celui de passer plus de temps dans l’univers du film (exemple : Sucker Punch). Dans le cas de Abyss en revanche, la version longue (devenue la version officielle et la plus connue maintenant je pense) ajoute la séquence dans laquelle Ed Harris échange avec les aliens dans leur vaisseau spatial. Cette séquence change complètement le sens de l’intervention de aliens par rapport à la version originale et change complètement la thématique du film.
La longueur d’un film renvoie au problème (esthétique) de la durée de ce qu’on appelle un film, telle que celle-ci résulte des opérations de tournage et de montage choisies et effectuées par celui qu’on appelle un “réalisateur”. Les versions dites “longues” sont donc les versions d’un film dont la longueur a été retrouvée, restaurée, après que celle-ci ait été “raccourcie” par la production au prétexte que la longueur initialement choisie, jugée excessive, risquait d’effrayer ou d’insupporter les spectateurs. Un exemple significatif est ce qui s’est passé avec le film “Heaven’s Gate” (La porte du Paradis) tourné en 1980 par le réalisateur américain Michael Cimino. Sa “durée réalisateur” initiale était de 360mn (sur 200h de rushes); elle fut ramenée par les producteurs à 150′ pour sa diffusion en salle, ce qui ne sauvera pas le film et n’empêchera pas la United Artists qui l’avait produit de faire faillite. En 2012, sur pression amicale de ses collègues Coppola et Scorsese, Cimino acceptera de retravailler son film et de ressortir une nouvelle version dite “Director’s cut” de 3h40 (avec un nouveau montage et sa remasterisation numérique) ; ce qui permettra au grand public de découvrir ou redécouvrir un film exceptionnel, au plus près de ce que son auteur en concevait, et de l’apprécier enfin dans toute sa beauté et sa force critique perdues et retrouvées . En conclusion : ce qui se joue dans la question (stratégique) de longueur d’un film, c’est le sens, la qualité du temps - où plutôt de la durée - tel qu’un créateur cinéaste pense l’histoire (scénario) qu’il veut raconter, en jouant techniquement et artistiquement (filmage, montage) sur le clavier sensible des temps et des mouvements de l’image.
Blade Runner est un film sans cesse remodelé. En fait, il compte actuellement 7 versions différentes, allant de la première version diffusée (Broadcast Cut) au montage final (Final Cut).
Le montage original, celui qui a été diffusé dans les salles de cinéma en 1982, est l’illustration parfaite d’une intégrité artistique… perturbée par l’interférence du studio.
À bien des égards, le paysage cinématographique n’a pas changé depuis 40 ans — les studios sont toujours aussi stupides.
La vision ambitieuse et futuriste de Ridley Scott s’est avérée trop risquée pour les studios. Ils ont exigé de Ridley qu’il simplifie et ****sse le film pour qu’il puisse être servi aux masses.
Plusieurs moyens ont été mis en œuvre pour y parvenir.
L’exemple le plus embarrassant est peut-être l’inclusion insultante de voix off pour raconter les pensées d’un personnage ou expliquer une scène.
Harrison Ford était clairement contre le fait de gâcher la nature atmosphérique caractéristique du film, il a donc enregistré ses répliques de la manière la plus ringarde possible, en espérant qu’elles ne seraient pas utilisées.
Ils les ont utilisées, bien sûr.
Pour ajouter à l’insulte, les studios ont tenté de transformer la fin en happy end — dans ce film qui était probablement le plus sombre de l’époque.
Tenter de transformer une œuvre contemplative et méthodique comme Blade Runner en un film d’action générique reste encore aujourd’hui l’un des plus grands péchés du cinéma.
Et les gens se demandent pourquoi personne ne s’est donné la peine de le regarder à sa sortie.
Maintenant, il suffit de comparer cela avec le montage du réalisateur pour que le vrai film émerge. Ils sont presque entièrement différents dans le ton.
Certaines modifications changent tout. Les voix off condescendantes sont remplacées par des bruits d’ambiance urbaine, qui nous imprègnent totalement de l’atmosphère de cette dystopie futuriste.